Andrion: premier ravito. Je m'arrête pour remplir le camel, prendre un coca, des chips et quelques barres et gels pour la suite. J'aurais mieux fait de m'abstenir sur ce dernier point...
La descente reprend: je m'éclate quand ça roule, je trépigne d'impatience quand ça bouchonne. Je prend beaucoup de risques par moment en tentant des trajectoires très 'freeride' pour couper les bouchons. Il y a beaucoup de chutes et la plupart de ceux que je double ont l'air au bout du rouleau. Je fais moi-même une petite chute sur le côté sur une portion très lente en bloquant ma roue avant contre un caillou en sortie d'épingle. Précision et précipitation, ça ne va pas... Je me dis qu'il faut que je sois plus prudent pour la suite.
La remontée au Brec a été pour moi la grande surprise de cette course: ce qui pour moi était l'emblême de la difficulté de la transvé est en fait l'un des passages les plus faciles. Le fameux portage est enfantin puisqu'il suffit de monter les 'marches' qui ne bougent pas et font des marchepieds efficaces. C'est presque reposant.
Arrivé en haut, je prends 1,5 secondes pour admirer la vue, baisser la selle, ouvrir l'amorto en grand et attaquer la descente! Une petite nana devant moi me bloque car elle descend tout à pied: apparemment elle ne comprend pas le français et en tout cas ne se pousse pas. Je finis par réussir à passer et mets les gaz. La descente du Brec reste pour moi l'un des meilleurs moments de cette course: tous les indicateurs sont au vert même si je commence à avoir les jambes un peu douloureuses.
Je rattrape Cédric juste après le haut de la descente. On discute un peu et je pars devant. Je prends mon pied au milieu des grosses pavasses et manque d'y laisser un disque: ça tape fort mais pas de casse. Les épingles pierreuses passent d'abord en douceur avec des petits nose bien calculés, puis la fatigue s'accumulant, j'adopte la technique frein à main + pied sorti façon sanglier pas content! Ca continue à pas mal bouchonner: je piaffe mais finalement c'est déjà bien plus fluide qu'Andrion. Vers le milieu de la descente, je rattrape (ou me fais doubler? Je ne sais plus) un local avec un énorme niveau technique qui sera mon lièvre jusqu'au Suquet. Je suis complètement sidéré par la facilité avec laquelle il manoeuvre à travers toutes ces énormes pavasses. A chaque fois en 15-20m il me distance et ce n'est que 'grâce' aux bouchons que j'arrive à recoller à chaque fois. Au bas de la descente je lui dis merci de m'avoir montré les bonnes trajectoires. Il est sympa et me dit que cette descente est une de ses préférées du secteur.
Cette DH a été un énorme gavage mais m'a un peu fatigué: j'ai les cuisses raides et les paumes des mains un peu endolories. Le moral est au beau fixe par contre: je dépasse de plus en plus de dossards 200 et 100, voire à deux chiffres, ce qui me motive puisque ça veut dire que je rattrape des gars partis 15 minutes avant moi et ayant sûrement un gros niveau.
Jf et Pierre nous avaient mis en garde: il y a bien une remontée en portage jusqu'au Suquet: elle fait très mal mine de rien et je sens un peu de fatigue. L'arrivée au Suquet se fait par la route (arg): j'ai beau pédaler, je n'avance pas dans la descente donc je laisse aller le vélo et en profite pour m'étirer.
Au Suquet, je vois Cédric arrêté au stand pour huiler sa chaîne: je ne l'avais pas vu me doubler. Mon vélo va bien donc je m'arrête juste pour déposer quelques excédents de barres aux céréales qui me sont inutiles vu que les ravitos sont très bien garnis. Je pars devant, m'arrête au ravito pour manger 2-3 chips et prendre quelques gels pour la suite (à mon grand regret). Je pars en me sentant assez frais. Il reste 60 bornes.
On attaque la montée au col de Porte par un petit sentier herbeux, puis un sentier en épingles. Là, c'est poussage puis portage obligatoire. Comme on avait déjà reconnu cette partie du parcours deux jours avant, je sais à quoi m'attendre, mais la gestion de l'effort devient plus difficile et le coeur bat vite dans le portage. Surtout, mon vélo commence à vraiment peser: j'ai mal au dos, aux épaules et à la nuque et ça ne fait qu'empirer. Je marche très lentement dans le portage. J'entends Cédric qui m'appelle: il est derrière. Il me confirme qu'on est largement dans les temps. Je le laisse passer: il file devant comme si son vélo ne pesait rien, double 5 ou 6 gars à la suite alors que je suis à l'agonie
Je me dis que c'est la dernière fois que je le vois avant la fin de la course, et c'est effectivement le cas.
On atteint une portion roulante sur sentier puis sur route, qui m'avait semblée très faciles à la reco. Ce n'est plus la même chose le jour J: je peine à emmener le pignon de 28 là où j'aurais pu en descendre deux de plus auparavant. Je profite de la longue portion de route pour manger, boire, penser à la suite. On attaque ensuite la partie single/sentier de la montée au col: le début passe bien mais je me fais doubler par pas mal de gros molets.
C'est dur et surtout je commence à avoir mal à l'estomac à causes de toutes les saloperies que j'ai avalées: le mélange de barres/gels/tablettes magiques et survitaminées ne me réussit pas du tout comme je n'y suis pas préparé; j'ai la nausée, le hoquet, l'impression que mon estomac comprime mes poumons. Bref, ça ne va pas. J'ai les jambes de plus en plus lourdes: j'arrive encore bien à mouliner et à pédaler en force debout sur les pédales mais le pédalage puissant et régulier est devenu quasi impossible. Je dirais que jusqu'au col je n'ai pas passé plus de 25% de la montée sur le vélo. Dans la tête en revanche, tout va bien: à ce moment je suis sûr de finir, sauf pépin mécanique majeur.
La montée au col est longue, très longue. La où j'avais adoré les passages en balcon deux jours avant, je me contente de me concentrer sur la régularité de mon pédalage et sur mes trajectoires pour tirer profit au maximum de l'inertie. Un portage sur de l'ardoise fait très mal, de même qu'un passage à gué un peu merdique où le vélo manque de peu la chute dans le torrent. Mais je gère...
Arrivé sur la route peu avant le col, j'entends un coup de klaxon: jf et Pierre viennent me ravitailler en eau! Je leur dis que Cédric doit être loin devant vu le rythme auquel je l'ai vu partir dans le portage du début. Je m'arrête au ravito pour chips + fromage + abricots et repars. Je commence à sentir que mon estomac va un peu mieux, mais c'est pas encore ça.
Je pensais avoir fait le plus dur une fois arrivé au col: grossière erreur! La suite est au moins aussi dure, avec un bout de piste où je suis seul, suivi d'un portage de barbare à flanc, où tout le monde en chie. C'est raide, c'est instable, ça n'en finit pas. En plus je me fais doubler. Arrivé 'en haut', ça continue de monter. Je passe quelques portions sur le vélo mais le terrain montagneux est difficile: du dévers, des grosses pierres, des racines, des relances permanentes... Je n'ai plus la pêche pour enchaîner efficacement et me contente de garder au maximum des trajectoires 'propres' pour pédaler le moins possible. Mes cuisses sont trop cuites pour faire des nose dignes de ce nom et mes bunny ne dépassent pas le centimètre. Le petits passages en descente font du bien mais les remontées sont d'autant plus rudes.
Arrive enfin la vraie descente: là, c'est un gros gavage sur un terrain très typé montagne, avec des gros blocs, des marches, des zones trialisantes. C'est technique et plutôt lent: j'adore. J'en profite pour doubler 4 ou 5 gars qui eux n'ont pas l'air de prendre leur pied et passent à pied. Cette zone est très bonne et me donne un bon coup de fouet: heureusement, car ce qui m'attend est la partie la plus éprouvante nerveusement de la course.
La descente, malheureusement trop courte, s'achève au pied d'une pistasse qu'il faut remonter. Je monte au train et passe à peu près les 2/3 sur le vélo mais suis parfois obligé de descendre et pousser car j'ai les jambes qui piquent et qui sont de plus en plus raides. Cette piste me paraît interminable et c'est la première et la seule fois de la course où j'ai le moral qui s'égratigne un peu. Je maudis ceux qui nous font monter cette saloperie de piste et rêve d'une nouvelle paire de jambes. Sur toute la montée, je me fais doubler par une vingtaine de coureurs. Heureusement, ce qui m'attend effacera complètement ce moment de doute!
Arrivé au ravito du Férion, je prends quelques chips et me dis que la recharge en eau attendra Aspremont: je veux être à l'aise dans la descente qui s'annonce virile. Là, quelques gars parlent de bâcher pour cause de pépins mécaniques et de fatigue: hors de question pour moi, j'ai hâte de voir ce que donnent les deux dernières DH.
La qualité de celle du Férion dépasse mes espérances: j'ai tout le champ libre pour me jeter comme un goret dans cette succession jubilatoire de marches, de grandes courbes dans la pavasse et de relevés sur une terre bien compacte. A ce moment-là, j'ai le sentiment d'être à 20% de mes capacités en montée mais à au moins 90% en descente. Je double une bonne dizaine de gars en prenant les intérieurs, mets le vélo à plat dans les relevés et vole au-dessus des gros amas sans ralentir. C'est un des moments forts de la course: j'ai la banane en arrivant à Plan d'Arriou, où je croise jf. Je lui dis que je n'ai besoin de rien.